De nouvelles missions: une loi modifie profondément le métier d'infirmier

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Les syndicats infirmiers n'hésitent pas à parler d'un texte "historique", voire "révolutionnaire". Il va de fait, transformer en profondeur les pratiques des quelque 640.000 infirmiers français (dont 130.000 libéraux), qui nous soignent au quotidien. Une très bonne nouvelle pour les patients, en particulier celles et ceux qui ont du mal à accéder à un médecin.
Que contient le texte sur l'évolution du métier infirmier?
Adoptée à l'unanimité par l'Assemblée et le Sénat, la proposition de loi défendue par les députés Frédéric Valletoux (Horizon) et Nicole Dubré-Chirat (Ensemble pour la République) redéfinit les missions du métier infirmier, encadrées depuis 2004 par un décret jugé obsolète, et élargit leur périmètre. Elle entérine les notions de "consultation infirmière" et de "diagnostic infirmier" , et accorde aux professionnels le pouvoir de prescrire certains médicaments ou examens qui seront listés par arrêté dans les semaines à venir. Une négociation conventionnelle avec l'Assurance-Maladie permettra ensuite de classifier et d'établir la rémunération des nouveaux actes autorisés.
"Ce texte comble le décalage entre ce que l'on sait faire et ce que l'on a le droit de faire: il valorise enfin nos compétences", résume Thierry Amouroux, porte-parole du syndicat SNPI CFE-CGC, qui représente les infirmiers salariés (travaillant en établissements privés et publics, ou même dans l'Education nationale). "Le métier a changé, le système a évolué, renchérit John Pinte, président du syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux SNIIL, il était temps de corriger certaines aberrations courantes dans notre exercice quotidien".
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Qu'est-ce que cela pourrait changer pour les patients?
Aujourd'hui, les exemples de situations parfois ubuesques ne manquent pas! "A l'hôpital, une infirmière confrontée à un patient douloureux ne peut pas lui donner un simple doliprane, alors qu'on peut en prendre chez soi sans aucun problème! Elle doit passer par un interne pour le prescrire, et la nuit où le week-end, les internes sont tellement occupés et sollicités que ça peut prendre du temps. Du temps perdu pour tout le monde. Pour le patient, en particulier", explique Thierry Amouroux.
Même constat dans l'exercice libéral: "un patient diabétique à qui le médecin a oublié de prescrire la mesure sanguine de qu'on appelle l'hémoglobine glyquée pour contrôler son équilibre glycémique sur plusieurs mois, doit aujourd'hui retourner le voir, alors que l'infirmier, constatant lors d'une visite que cette mesure manque, pourrait facilement lui faire l'ordonnance". On connaîtra plus précisément dans quelques semaines la liste des prescriptions et examens que les infirmières et infirmiers pourront bientôt faire. Nul doute qu'elle sera scrutée avec attention…
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Quel est l'objectif du texte?
La finalité du texte est double. La nouvelle loi vise évidemment à accélérer des prises en charge et à simplifier le parcours du patient, qui pourra ainsi éviter de passer par la case "médecin" pour des actes et prescriptions simples, comme des plaies non complexes: "si on vient voir un patient pour une plaie de la jambe droite, et qu'on constate aussi sur place une petite plaie à la jambe gauche, on pourra gérer plus vite", précise Thierry Amouroux. "L'idée n'est pas de remplacer le médecin, mais de faciliter les choses quand son expertise n'est pas essentielle, ce qui évitera aussi d'emboliser les cabinets médicaux et les urgences", insiste John Pinte.
Mais cette proposition de loi vise aussi à redonner du sens au métier d'infirmier et accroître son attractivité. Le texte valorise le regard, et donc le diagnostic, que l'infirmier peut poser sur la prise en charge du patient: "il ne s'agit pas d'établir un diagnostic médical, mais de faire remonter des éléments que l'on observe au quotidien et qui peuvent être déterminants dans la prise en charge, pointe Thierry Amouroux. De faire aussi de la prévention, et même de l'éducation thérapeutique. Ce qu'on fait déjà, bien souvent, mais sans que ce soit reconnu".
Une mesure de bon sens pour nombre de ces infirmiers. "Avec le vieillissement de la population et l'explosion des maladies chroniques, on va avoir de plus en plus besoin de nous, prévient John Pinte. Or, justement, ces dernières années, dans le libéral en particulier, l'attractivité du métier a baissé, il fallait reconsidérer les choses, les missions mais aussi la rémunération des actes, pour éviter à terme, une possible pénurie".
La présidente de l'Ordre des infirmiers, Sylvaine Maziere-Tauran, espère de son côté que la négociation à venir sur les rémunérations de ces nouvelles missions infirmières sera "à la hauteur des ambitions" du texte. Autrement dit, que les moyens alloués seront dignes du service rendu aux patients comme au système de soins.
Le ministre de la Santé, Yannick Neuder, a insisté sur la "complémentarité" de ces nouvelles missions avec les médecins. Il voit dans ce texte un "signal politique fort" adressé aux infirmiers, qui reconnaît leur expertise et leur donne "l'autonomie et les perspectives" qu'ils méritent "dans une logique de coopération".
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