Guinée: un opposant condamné à deux ans de prison ferme pour "offense au chef" de la junte
Un tribunal de Conakry a condamné mardi à deux ans de prison ferme un opposant guinéen, pour "offense et diffamation" à l'encontre du chef de la junte, une décision qui a indigné l'opposition.
Il était reproché à Aliou Bah, chef du Mouvement démocratique libéral (MoDel) d'avoir, lors de meetings, "appelé les chefs religieux (guinéens) à sortir de leur silence" sur la situation en Guinée et qualifié d'"incompétent" le CNRD, l'organe dirigeant de la junte, selon sa défense.
Arrêté alors qu'il se rendait en Sierra Leone le 26 décembre, M. Bah a été écroué le 30 pour "offense et diffamation" contre le général Mamadi Doumbouya, à la tête de la junte qui a renversé le président civil Alpha Condé en 2021.
Le parquet avait requis deux ans de prison ferme à son encontre le 2 janvier, et a été suivi par le tribunal, a constaté un journaliste de l'AFP.
Au procès, les avocats de M. Bah ont fustigé des "accusations fallacieuses" et "un procès de la liberté d'opinion".
Cette condamnation "est contraire aux principes du droit international sur la liberté d'expression. Il (M. Bah) doit être libéré immédiatement", a exhorté Amnesty internationale sur X.
Une figure de l'opposition, l'ancien Premier ministre Cellou Dalein Diallo, a dénoncé "une farce judiciaire" sur Facebook. Pour lui, ce jugement est "une déclaration de guerre ouverte contre la liberté d'expression et une tentative d'intimidation orchestrée pour réduire toute opposition au silence".
De son côté, la plateforme de l'opposition les Forces vives de Guinée (FVG) a fustigé "une condamnation arbitraire, illustration éloquente de la trahison par la junte militaire de son engagement de faire du droit et de la justice la boussole de sa gouvernance".
L'arrestation de M. Bah est la dernière en date d'une longue série de restrictions aux libertés imposées en Guinée.
Outre M. Bah, deux opposants sont portés disparus depuis leur arrestation par des hommes armés en juillet.
Un journaliste, Habib Marouane Camara, qui dirige le site Lerevelateur224, a aussi été arrêté le 4 décembre par des hommes en uniforme dans la banlieue de Conakry, selon ses avocats et un syndicat de presse, qui affirment ignorer où il se trouve.
Pour ses voeux du Nouvel an, le chef de la junte a annoncé que 2025 serait une "année électorale cruciale pour parachever le retour à l'ordre constitutionnel" en Guinée, sans donner de date.
La junte s'était initialement engagée, sous la pression internationale, à remettre le pouvoir à des civils élus avant fin 2024.
Dans un communiqué, les Etats-Unis se sont dits "préoccupés" lundi par ce retard, demandant "instamment au gouvernement de transition d'annoncer et d'adopter un programme clair et des mesures concrètes pour le référendum constitutionnel et les élections démocratiques".
Le même jour, Conakry a été très ralentie par une manifestation de l'opposition pour réclamer le départ des militaires. Comme à chaque fois, elle avait été interdite par les autorités.
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