Pourquoi le silence est d'une aide précieuse pour votre bien-être

Cet article est paru dans le magazine Notre Temps , N°667
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Loin du brouhaha, du bruit: quand le silence est d'or
Certains scientifiques estiment que la planète ne recèlerait plus qu'une cinquantaine d'espaces, essentiellement des forêts peu accessibles, à l'abri du vacarme des hommes, de leurs klaxons, alarmes, sonneries, moteurs ronflants. À force d'habitude, nous pouvons croire que toutes ces agressions sonores ne sont pas si dérangeantes. Vraiment? "J'ai pris conscience de l'impact extrêmement négatif du bruit sur moi et, a contrario, des effets bénéfiques du silence durant le confinement. Découvrir une ville rendue au calme m'a fait un bien fou! Malgré l'angoisse liée à la pandémie, je me sentais comme réconfortée par cette ambiance feutrée et beaucoup moins stressée qu'en temps normal", confie Blandine, 62 ans, lyonnaise.
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Un cerveau apaisé, libéré quand le monde est silencieux
Cette expérience s'explique en grande partie par des raisons physiologiques. "Lorsque nous évoluons dans un environnement silencieux, notre cerveau n'a plus besoin d'être constamment aux aguets pour s'assurer qu'aucun danger ne se cache derrière les nombreuses sollicitations sonores. Le cœur se met à battre moins vite, la respiration se pose, l'organisme adopte un fonctionnement ralenti très reposant", explique Kankyo Tannier, nonne bouddhiste auteure de Danser au milieu du chaos, Secrets zen d'une nonne bouddhiste (éd. Flammarion). Le silence a pour effet de déconnecter le cortex préfrontal, la zone cérébrale la plus élaborée qui analyse, réfléchit, prend des décisions. "Le cerveau adopte alors le mode par défaut. Il part en quelque sorte en vadrouille, à sa convenance, selon ses propres associations d'idées. Les connexions entre neurones ne sont plus le résultat d'une intention mais se font de manière aléatoire. Ainsi, le silence vient réveiller des zones peu sollicitées habituellement. Un contexte propre à l'imaginaire et la créativité", décrit Jeanne Siaud-Facchin, psychologue, spécialiste de la méditation de pleine conscience, auteure de La Guérison émotionnelle (éd. Odile Jacob).
Rien de tel également que le silence pour renouer avec la concentration. "Quand j'étais étudiant, j'avais pris l'habitude de pratiquer chaque année une retraite silencieuse dans un monastère pour réviser mes examens. C'était réellement très efficace! Au bout de vingt-quatre heures sans parler à personne, y compris pendant les repas, je retrouvais intactes mes capacités d'attention et de mémorisation", se souvient Paul, 69 ans, médecin. La pédagogue Maria Montessori l'avait compris en son temps, elle qui proposait à ses élèves des "leçons de silence".
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Une vie intérieure plus riche
S'extraire du brouhaha ne fait pas seulement de nous des êtres moins stressés et plus concentrés. Cela nous ouvre aussi une voie directe vers notre monde intérieur. "Le bruit et l'agitation ont tendance à nous distraire de notre intériorité. Mais dès que nous nous retrouvons immergés dans un bain de silence, nous devenons soudainement plus attentifs à ce qui se passe en nous. Nous nous connectons à des endroits paisibles tout au fond de nous que nous ne prenons pas souvent le temps de visiter", constate Jeanne Siaud-Facchin. Comme le soulignait l'écrivain Jean-Michel Delacomptée dans son Petit Éloge des amoureux du silence (éd. Gallimard), "le bruit s'adresse au corps, le silence à l'âme". C'est dans cette quiétude qu'un souvenir peut émerger, une émotion, un questionnement sur nous-mêmes ou peut-être la résolution d'un souci. "Quand je me promène dans la nature et que les seuls bruits qui m'arrivent sont le chant des oiseaux, j'ai vraiment l'impression d'entrer en dialogue avec moi-même. Je me laisse porter par cet état introspectif. Après chacune de ces expériences silencieuses, j'ai le sentiment d'avoir avancé un peu dans la connaissance de moi-même", sourit Blandine.
Pour certains, le silence revêt une dimension spirituelle. C'est le cas de nombreux croyants issus de différentes traditions religieuses: pour eux, faire taire le bruit hors de soi et même en soi permet de créer un espace protégé où ils peuvent mieux entendre la voix de Dieu. Le moine bénédictin et écrivain François Cassingena-Trévedy, auteur de ("Silence d'une demi-heure", revue Études, 2016) parle, lui, du silence comme d'une "pareille éclaircie, pareille trêve, pareille vacance au milieu de l'immense bouleversement qui nous arrive" dans le texte "Silence d'une demi-heure" (revue Études, 2016).
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Des liens plus authentiques et sereins
Le silence est également susceptible de "soigner" nos relations avec nos proches. "Observer des tout petits temps de silence, à peine perceptibles, lors d'une conversation profite grandement à la qualité du lien. On cesse d'être dans l'anticipation de ses propres réponses et arguments alors que l'autre n'a même pas fini de parler. On laisse la parole de son interlocuteur se déployer. Il se sent vraiment entendu et l'échange devient plus authentique", constate Jeanne Siaud-Facchin. Ces mini-pauses dans la parole nous protègent également des réponses trop impulsives et agressives, elles nous laissent un temps salutaire de réflexion. Si parfois nous trouvons que les échanges avec un conjoint, un enfant ou un parent manquent de profondeur et tournent trop souvent autour de paroles un peu creuses, Kankyo Tannier nous propose d'essayer ce petit jeu à pratiquer à deux. "Il s'agit de se regarder trente secondes les yeux dans les yeux, sans détourner le regard, sans émettre un son. Si les premières secondes paraissent interminables et même gênantes, très vite un basculement s'opère. Vous sentez littéralement votre cœur s'ouvrir, se mettre dans une attitude empathique, vous éprouvez un réel sentiment de communion. Et lorsque vous recommencez à parler, l'échange est beaucoup plus intense", décrit la nonne bouddhiste.
Pour raffermir le lien qui les unit, certains couples pratiquent notamment des retraites silencieuses. "À chaque fois que nous faisons cette démarche, nous nous offrons une nouvelle lune de miel! À l'issue de ces séjours, tout se passe comme si nous nous redécouvrions mutuellement. Nous portons l'un sur l'autre un regard plus ardent, plus vivant. Comme si, en nous abstenant de parler, nous nous étions recentrés sur l'essentiel", témoigne Geoffroy, 53 ans.
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Une quête à petits pas
Comment introduire du silence dans notre existence? Cela ne doit pas se faire trop brutalement, surtout pour ceux qui sont habitués à vivre dans l'agitation. "Pour certaines personnes, le silence renvoie au vide et à la peur d'être assaillies par des idées noires. C'est pour cette raison qu'il nécessite d'être apprivoisé", avance Kankyo Tannier. "Il ne sert à rien de s'imposer de faire silence. Ce serait la porte ouverte aux pensées parasites envahissantes! Il faut simplement consentir au silence, en douceur", ajoute Jeanne Siaud-Facchin. Un tout premier "entraînement" peut se faire dans la nature. "Dans une forêt, au bord d'un ruisseau, à la campagne ou la montagne, nous sommes confrontés à des sons naturels qui sont perçus par notre cerveau comme très proches du silence. Mais un silence non absolu, rassurant", encourage la nonne bouddhiste. Lors d'une prochaine randonnée, pourquoi ne pas décider de marcher sans parler, sans écouter de musique? Et voyons ce qu'il advient… Autre cadre intéressant pour s'entraîner au silence: le repas. Les parents ou grands-parents peuvent proposer aux enfants de tous se taire pendant les cinq premières minutes du déjeuner ou dîner partagé. "Pas pour imposer un silence punitif mais pour expérimenter un silence ludique. Ce sera l'occasion pour chacun de porter sa pleine attention à ce qu'il est en train de déguster, les saveurs, les textures. Peut-être aussi d'observer les autres, de se sourire", propose Jeanne Siaud-Facchin. Il vous faudra sans doute un peu de temps pour apprendre à entrer sans appréhension dans le silence. Mais très vite, c'est en sortir qui deviendra difficile tant vous vous y sentirez bien…
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