Psychonutrition: comment notre alimentation peut protéger notre cerveau

Vous aimez cet article?
Avez-vous déjà entendu parler de psychonutrition? Cette discipline récente mêle deux spécialités: la psychiatrie et la nutrition. Car depuis quelques années, certains scientifiques se penchent sur l'impact de notre alimentation sur notre cerveau. Et c'est une réelle révolution, si l'on en croit les travaux du Dr Guillaume Fond, psychiatre et spécialiste en biologie cellulaire et moléculaire. Car avant de s'en remettre à la chimie, il pourrait être opportun de regarder du côté de notre assiette, voire des compléments alimentaires, pour garder son cerveau en pleine forme.
Après 15 ans de recherches, le médecin publie Bien nourrir son cerveau*. Il y défend son dada: l'influence de certains nutriments sur la régulation de nos émotions, du sommeil, de l'attention et de la protection du notre cerveau. Et donc leur capacité à nous défendre contre le déclin cognitif comme la dépression. Une piste enthousiasmante… Avant de prendre des médicaments, faut-il d'abord vérifier le contenu de nos assiettes? Si on souffre de carences? Et se supplémenter?
Quels sont les liens scientifiquement prouvés entre alimentation et bonne santé du cerveau?
"80% des cerveaux sont dénutris", écrit Guillaume Fond. Le psychiatre n'y va pas avec le dos de cuillère pour pointer les manques dans notre alimentation. Attention à ne pas tout confondre: il ne parle pas de dénutrition de la personne âgée, mais avance qu'une majorité de Français manque de nutriments essentiels au fonctionnement optimal du cerveau. Ce qui peut avoir un lien avec un déclin cognitif, la maladie d'Alzheimer, la dépression ou l'anxiété.
Pour appuyer son propos, le chercheur cite plus de 200 études scientifiques avec un niveau de preuve important. "Depuis 5 ans, certains articles scientifiques ont révolutionné la donne." Dont une méta-analyse d'essais contrôlés par placebo parue en 2019 dans World Psychiatry dévoilant que les oméga 3 (DHA et EPA) sont efficaces pour soigner la dépression, avec des antidépresseurs ou seuls. Une autre méta-analyse a scotché le chercheur: les oméga 3 arrivent en numéro 1 avant tous les médicaments pour le traitement de la démence d'Alzheimer. "Ces résultats sont une incitation supplémentaire à supplémenter les personnes présentant une démence d'Alzheimer en oméga-3 à bonnes doses", écrit Guillaume Fond.
Lire aussi > Ce régime protège à la fois votre cœur et votre cerveau
Quels sont les nutriments essentiels pour bien nourrir son cerveau?
D'après ses recherches, Guillaume Fond liste 4 nutriments essentiels pour la bonne santé de notre cerveau, en prévention d'un déclin cognitif comme pour accompagner les traitements d'une maladie psychique après un diagnostic.
- Les oméga 3
Sans surprise, les oméga 3 arrivent sur le haut du podium. "Ils préviennent le déclin cognitif léger et présentent un intérêt dans l'amélioration des symptômes de cette maladie", avance le chercheur.
- Les vitamines B9-B12-B6
Parmi les huit vitamines du groupe B, une combinaison de ces trois-là semble nécessaire pour vieillir en bonne santé. "Deux métanalyses montrent que les personnes qui se supplémentent avec ces vitamines pendant 12 mois ont moins de risque de développer un déclin cognitif", pointe le chercheur. Bonne nouvelle, ces trois vitamines sont généralement incluses dans les cocktails de multivitamines vendus dans le commerce.
- Vitamine D
S'il y a bien un complément alimentaire qui fait consensus, c'est bien la vitamine D. En effet, de plus en plus de médecins alertent sur la carence dans la majorité de la population et sur son impact important sur toute la santé. Le médecin conseille de se supplémenter en vitamine D toute l'année, pas uniquement en hiver.
- Le zinc
Cet oligo-élément joue un rôle crucial dans les réactions dans notre cerveau. Or, les phytates contenus dans les produits complets bloquent l'absorption de zinc. "Le zinc améliore les symptômes dépressifs, assure le chercheur. Or, la dépression du sujet âgé est souvent masquée, on la banalise et beaucoup de généralistes passent à côté."
Faut-il vraiment miser sur les compléments alimentaires?
Le sujet fait débat. Nombre de médecins assurent qu'une alimentation équilibrée suffit à garder un corps et un cerveau en bonne santé. Et partagent leur prudence vis-à-vis des compléments alimentaires, considérés comme inutiles, onéreux, voire dangereux. Fin mars, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (Anses) insistait encore: "il est primordial que les consommateurs soient mieux informés et éclairés sur les risques liés à la consommation de ces produits".
"Mon idée n'est pas d'être pour ou contre les compléments alimentaires, mais de les remettre à leur place, se défend le médecin. Ils ne remplacent pas une alimentation équilibrée ou un traitement. Et il faut toujours prendre un avis médical si on décide de se supplémenter au long court."
Mais il espère que l'alimentation et les compléments alimentaires deviendront à l'avenir un terrain d'exploration pour les soignants. "Face à une dépression, avant un médicament, est-ce que ce n'est pas plus rationnel de s'assurer que le cerveau a tout ce qu'il faut pour fonctionner? Le risque à prendre un complément alimentaire quand c'est encadré par un médecin reste très faible. Alors qu'un anti-dépresseur ou un anxiolytique a une balance bénéfice/risque plus défavorable." Voilà pourquoi il défend une certaine gradation. "Toute prescription d'antidépresseur devrait s'accompagner d'une substitution en oméga 3 et vitamine D", avance-t-il.
Et pour ceux qui veulent éviter un futur déclin cognitif ou émergent? "Il n'y a pas de produits ou d'aliments qui vont améliorer le fonctionnement de l'intelligence, il y a en revanche des carences qui peuvent perturber le fonctionnement cérébral et des produits qui peuvent renforcer la résistance du cerveau à l'effort intellectuel, nuance Olivier de Ladoucette, gériatre. On sait depuis longtemps qu'il est intéressant de manger des aliments riches en oméga 3, qui constituent une base importante du squelette cérébral." Un nutriment présent dans les poissons gras (sardine, hareng, maquereau, saumon, espadon, truite, flétan, thon), l'huile d'algue (riches en EPA et DHA), de l'huile de colza, de lin, de noix, de soja, de chanvre, de camaline (pour l'ALA).
Là où Guillaume Fond se démarque, c'est quand il avance que l'alimentation, même équilibrée, ne suffit pas et qu'il faudrait supplémenter une majorité de Français. Sur la vitamine D, l'Anses confirme qu'il est inutile de faire un test avant de donner des gouttes. Mais c'est pour le moment le seul nutriment dans ce cas.
Le chercheur risque d'être suspecté de conflit d'intérêt, car il a monté une start-up en octobre 2024 pour commercialiser son complément alimentaire, L'essentiel (39€ par mois), réunissant tous les nutriments qui ont fait leurs preuves selon lui. Assurant que chaque composant respecte bien les doses au-dessus desquelles les personnes pourraient avoir des problèmes de santé.
Comme c'est un complément alimentaire, ce produit a évité les fourches caudines des essais cliniques: on ne connaît donc pas son efficacité contre placebo. "J'ai créé cette solution à partir de mes recherches scientifiques, après avoir écrit le livre, seul, sans laboratoire derrière et j'engage mon nom", argumente-t-il. Visionnaire ou business-man? En attendant qu'une étude indépendante prouve l'intérêt de cette supplémentation, miser sur une alimentation équilibrée et vérifier que vous n'êtes pas carencé ne coûte pas grand-chose…
Lire aussi > Compléments alimentaires: quand sont-ils utiles?
Prolongez votre lecture sur le sujet :
Vous êtes un utilisateur de Google Actualités ou de WhatsApp ?
Suivez-nous pour ne rien rater de l'actu !
Commentaires (0)