Retraites: François Bayrou remet la réforme en "chantier" mais sans la suspendre

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Une déclaration de politique générale est toujours un moment attendu. Mais celle de François Bayrou l'était particulièrement car le Premier ministre avait donné ces derniers jours des signes d'ouvertures sur une possible "suspension" de la réforme des retraites de 2023, condition posée par les socialistes pour donner un accord de non-censure.
Finalement, le centriste n'aura pas prononcé le mot tant attendu par ces alliés espérés et la formule retenue pourrait bien ne pas le prémunir du vote d'une censure. Les autres partis de gauche ont déjà prévenu qu'ils la voteraient tandis que le RN, pour le moment, a indiqué qu'il ne censurerait pas le gouvernement.
Car sur la forme, si François Bayrou a bien concédé une remise "en chantier" de la réforme des retraites de 2023, il n'a pas souhaité la suspendre durant les négociations. "Nous pouvons, j'en ai la conviction, rechercher une voie de réforme nouvelle, sans aucun totem et sans aucun tabou, pas même l'âge de la retraite, à condition qu'elle réponde à l'exigence fixée", c'est-à-dire ne pas dégrader "l'équilibre financier" du système, ce qui serait "une faute impardonnable", a-t-il dit. "La réforme des retraites est vitale pour notre pays et pour notre modèle social", a-t-il insisté, saluant les "efforts courageux du gouvernement d'Elisabeth Borne", tout en concédant qu'il est possible d'être "plus juste".
Renégociation de la réforme des retraites: quelle méthode, quel calendrier?
Cette mission est confiée aux partenaires sociaux, qu'il réunira dès vendredi. Le chef du gouvernement a donné sa méthode: d'abord, il va demander à la Cour des comptes "une mission flash" de quelques semaines en vue d'établir "un constat" fondé sur "des chiffres indiscutables" alors que les données du Conseil d'orientation des retraites sont critiquées par certaines parties prenantes.
A partir du moment où les chiffres seront connus – communiqués également à tous les Français – les partenaires sociaux auront trois mois pour discuter. "La loi de 2023 a prévu que l'âge légal de départ passerait à 63 ans fin 2026. Une fenêtre de tir s'ouvre donc". Notamment pour les tenants d'un âge légal avancé à 63 ans - et non plus 64 ans, une piste explorée à gauche. Mais François Bayrou a dit vouloir boucler le dossier à l'automne prochain, lors de la discussion sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2026.
Concrètement, il a annoncé la création d'une "délégation permanente", composée des "représentants de chaque organisation", qui se réunira dès vendredi, puis travaillera "autour de la même table, dans les mêmes bureaux, pendant trois mois à dater du rapport de la Cour des Comptes". "Chacun des partenaires sociaux aura le droit de faire inscrire à l'ordre du jour" les "questions qui le préoccupent. Rien n'est fermé", a-t-il promis.
Et ensuite? Comment ces négociations pourraient se transformer en nouvelle réforme des retraites? "Si cette délégation trouve un accord d'équilibre et de meilleure justice, nous l'adopterons. Le Parlement en sera saisi lors du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ou avant, si nécessaire par une loi", a promis François Bayrou. Sans accord, c'est la réforme de 2023 qui continuera de s'appliquer.
Quelles sont les pistes d'améliorations possibles?
"Il nous donne la main et nous permet de remettre sur le tapis toutes nos propositions, que nous avions chiffrées, c'est une bonne chose", réagit pour Notre Temps Pascale Coton, vice-présidente CFTC en charge des retraites.
Elle liste les pistes d'améliorations possibles: la pénibilité, la retraite des femmes, 40% inférieure à celle des hommes et dont "la dernière réforme a rendu des trimestres inutiles", l'emploi des seniors et espère que le patronat ne s'accrochera pas au "dogme" de l'âge légal à 64 ans si des solutions sont trouvées pour rester dans le cadre financier fixé. "Après il faut voir jusqu'où François Bayrou est prêt à aller, jusqu'où l'Assemblée est prête à aller s'il faut passer par la loi. Et il faut d'abord attendre de voir ce que donnera la motion de censure, ça pourrait se jouer à la voix près".
Les autres annonces de François Bayrou
Objectif de déficit et prévision de croissance: L'objectif est toujours d'être à 3% de déficit en 2029 mais pour fin 2025, c'est le chiffre de 5,4% de déficit que François Bayrou retient. Quant à la croissance, sa prévision a été abaissée en raison de la crise politique à 0,9% pour 2025 contre 1,1% retenu par le gouvernement Barnier.
Réforme du mode de scrutin: sans surprise, cet ardent défenseur de la proportionnelle a proposé de réformer le "mode de scrutin législatif".
Création d'une banque de la démocratie: là encore, c'est une ancienne proposition du centriste qui a été remise au goût du jour. "Je souhaite la création d'une banque de la démocratie pour que le financement des partis politiques ne dépende plus du choix des banques".
Education: Le Premier ministre souhaite favoriser les "réorientations et les changements de formations" à l'Université. Il a insisté sur le fait que tous les enfants n'ont pas les mêmes avantages et que les choix d'orientation arrivent trop tôt. "Parcoursup est une question", a-t-il d'ailleurs relevé. Il souhaite améliorer la formation des professeurs - sans donner de précision - assurer la promotion de la lecture.
Santé: François Bayrou a annoncé que les mesures de déremboursement de certains médicaments et des consultations, annoncées par le gouvernement Barnier, ne seront pas reprises. Il a aussi promis une "hausse notable" de l'objectif national de dépenses de l'Assurance-maladie (Ondam) pour "améliorer les conditions de travail des soignants" et "protéger les plus fragiles".
Logement: Le Premier ministre souhaite une "politique du logement repensée et de grande ampleur" pour répondre à la crise actuelle. "Nous pouvons aller plus loin encore en réduisant les délais, en allégeant les demandes d'autorisation, en favorisant la densification, en facilitant les changements d'usage" des biens. "Cela suppose de relancer l'investissement locatif", a-t-il précisé.
Médias: "La réforme de l'audiovisuel public devra être conduite à son terme", a-t-il annoncé.
"Débureaucratisation": "Le projet de loi de la simplification de la vie économique devra être adopté rapidement mais il faudra agir plus en profondeur et dans le temps", a lancé le Premier ministre, qui veut "rendre du pouvoir au terrain", mais également au Parlement, qui sera chargé d'"évaluer et contrôler" les "1000 agences, organes, opérateurs qui exercent l'action publique en France".
Gilets jaunes: Le chef du gouvernement souhaite "reprendre l'étude des cahiers de doléances des Gilets jaunes", où se trouvent "les attentes souvent les plus inexprimées de notre société".
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