Christian Morin: "Sans la légèreté, tout est gris"

Cet article est paru dans le magazine Notre Temps , N°666
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Qu’est-ce qui vous a donné l’envie de vous raconter?
Chaque fois que je raconte un peu ma vie les gens me disent: "Mais tu as fait plein de trucs!" C'est vrai que j'ai un parcours bizarrement construit. En retrouvant un test psychotechnique fait à l'adolescence, j'ai constaté que tout était écrit, mon sens artistique, mon goût pour la scène... C'est mon père qui a su faire de moi ce que je suis. Il m'a inscrit aux cours du soir des Beaux-Arts et m'a conseillé de jouer d'un instrument de musique. Ce livre lui rend hommage.
Vous vous livrez par thèmes: le dessin, la musique, la radio, la télé, et, ce faisant, vous revisitez aussi nos souvenirs...
Ce sont ceux des enfants de l'après guerre. Par exemple, on n'avait pas de salle de bains, j'en ai parlé un jour avec Eddy Mitchell, même génération. On trouvait normal d'aller aux douches municipales. Mais la société était en pleine renaissance et tout était réjouissant. En choisissant la clarinette, parce que le père d'un copain était prof, j'écoute forcément le jazz des années 1930-1940. En créant mon premier quartet à 16 ans, je découvre la scène, et ainsi plus de facilité pour séduire les filles! On court toute sa vie après un rêve. Pour moi, c'est cette envie d'être en représentation. Dans mon fameux test, il était écrit: "Pourrait être doué pour la profession de speaker." En arrivant à Paris, je me suis présenté à Europe 1 pour devenir speaker. Ils ont bien rigolé, on ne disait plus speaker mais animateur!
À quoi attribuez-vous votre chance dans la vie? Au culot? Aux occasions que vous avez su saisir? À votre heureuse nature?
Mon heureuse nature, très certainement. Le culot, je l'ai eu parfois mais le bon accueil que j'ai toujours reçu m'a beaucoup aidé. J'allais vers quelque chose qui me passionnait, même si c'était une profession incertaine. Et oui, j'ai eu de la chance. À Europe 1, on m'a donné une émission le dimanche soir. Le patron, Maurice Siegel, rentrait en voiture de Normandie à cette heure-là et m'écoutait. Il a commencé à me donner des conseils directement. Un jour, je fais une émission sur Gustave Eiffel, le lendemain, son petit fils qui m'avait entendu m'a contacté. Encore une coïncidence extraordinaire.
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Vous affichez une certaine désinvolture, pourtant, vous travaillez beaucoup...
Quand on me proposait un truc qui me plaisait, je disais oui. Après, il fallait y aller alors je regardais les autres travailler et je m'accrochais. Je n'aime pas quand le travail se voit. Il faut laisser l'impression, comme en jazz, que tout est improvisé.
Vous évoquez vos dix ans de collaboration avec Notre Temps et votre Note légère: cultivez-vous cette légèreté pour être heureux?
Cette vie m'a porté un peu malgré moi et apporté de jolies satisfactions. J'ai rencontré les idoles de ma jeunesse, tel le clarinettiste Claude Luter. J'ai vécu l'insouciance des années 1970-1980. Le contexte était plus propice à la légèreté. Aujourd'hui, on ne plaisante plus beaucoup, on est entouré de gens qui s'offusquent vite. La légèreté, elle m'a été livrée en paquet-cadeau. Mon père savait raconter ses années de guerre, sa captivité en Allemagne avec humour. Sans la légèreté, pour moi, tout est gris...
Que faites-vous au quotidien qui vous aide à bien vieillir?
J'ai cessé de fumer il y a trente ans, je bois peu, je vois les gens que j'aime, je fais de la gym, de la clarinette et du dessin presque tous les jours. Je me suis remis à travailler intensément à 65 ans. Je n'ai rien compris à cette histoire de retraite!
A lire

"J'ai tant de chose à vous raconter", de Christian Morin, Éd. XO, 352p., 21,90€.
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