Loi travail: pourquoi la CGT appelle au blocage

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Que veut la GGT? Alors que les appels à la grève et le blocage de huit raffineries font planer la menace d’une paralysie de l’économie, les questions sur les motivations du syndicat se multiplient. La CGT durcit le ton pour contrer le projet de loi travail. Le leader de la CFDT, Laurent Berger, clamait lui, mercredi 25 mai, que "retirer la loi serait inacceptable", n’est-ce pas l’occasion idéale pour la CGT de démontrer sa force et prouver sa légitimité?
Stéphanie Matteudi, directrice des études à l’Institut supérieur du travail, répond à nos questions.
• La contestation anti-loi travail se radicalise. Pourquoi la CGT prend-elle la tête des opérations?
Pour la CGT, ce mouvement social tombe à pic. Le syndicat a traversé une crise entre 2013 et 2015, il en paie encore les conséquences. De plus, il peine à définir sa ligne interne. La contestation de la loi El Khomri lui fournit une belle opportunité d'exercer une syndicalisme de rupture. C’est le moyen de voir si ses troupes la suivent et de tester son audience syndicale.
• L’audience syndicale est-elle en enjeu important?
Oui, depuis la loi du 20 août 2008. Auparavant, entre 1966 et 2008, la CGT bénéficiait d’une présomption irréfragable de représentativité selon la loi. En clair, elle n’avait rien à prouver pour être considérée comme représentative des salariés (c’était aussi le cas pour FO, la CFE-CFTC, la CFDT et la CGC). Depuis la loi de 2008, ce n’est plus vrai. L’audience de chaque organisation doit être mesurée tous les quatre ans lors d’élections professionnelles dans les entreprises, et même dans les chambres d’agriculture ou les toutes petites entreprises. La prochaine mesure est prévue pour avril 2017.
• Bloquer le pays serait donc une façon de montrer sa force pour rassembler?
Le durcissement de la contestation correspond à une logique de stratégie interne mais cela n’explique pas tout. Souvenez-vous. Le projet de loi El Khomri a été déposée devant le Conseil d’Etat, ce n’est pas une méthode habituelle. Normalement, il aurait dû y avoir consultation des partenaires sociaux selon le fameux article L1 du code du travail. Les choses ont mal démarré. Résultat: le succès d’une pétition anti-loi travail dès le début de l’année, puis, une série de neuf journées de manifestations et mouvements sociaux à l’appel de divers syndicats, y compris étudiants. Aujourd’hui, nous en sommes à la troisième étape classique dans ce genre de conflit long: la radicalisation. Qui peut y parvenir? La CGT, en s’appuyant sur ses fédérations les plus à même de bloquer le pays avec peu de monde et les plus jusqu’au boutistes, notamment celle de la chimie. La CGT se sonde pour savoir si elle est toujours la grande organisation syndicale française, numéro un depuis 1895. A mon avis, elle se sent plutôt suivie.
• Cette démonstration de force cache donc une perte de vitesse?
Oui, la CGT a perdu du terrain dans certains gros bastions, comme la SNCF, la RATP, EDF, Orange. Elle n’est pas la seule organisation syndicale à rencontrer des difficultés mais le remplacement compliqué de Bernard Thibault puis l’affaire du train de vie de Thierry Lepaon, pèsent encore aujourd’hui.
• Quelles issues voyez-vous aux blocages en cours?
Comme le gouvernement affiche sa fermeté, le blocage ne pourrait durer. A mon sens, deux issues sont possibles. La solution douce: négocier la fin des grèves en échange de contreparties discutées sur le terrain et se remettre à la table des négociations de la loi El Khomri, même sur l'article L2 le plus contesté qui aborde la négociation d'entreprise. La solution dure: recourir à la force publique lorsqu’une grève est illicite . Aujourd’hui, des médiateurs facilitent les négociations entre syndicats et entreprises et des huissiers vérifient sur place que les grèves sont licites.
• Faut-il conclure que les postures radicales sont une solution pour se faire entendre?
Cette démonstration de force prouve que la CGT, et les autres organisations syndicales, ne se sentent pas assez entendues. Il y a un problème de dialogue social en raison des difficultés économiques et de la pression de l’Europe. La négociation sociale prend du temps, or le gouvernement n’en a pas. Je voudrais toutefois souligner qu’au quotidien, les syndicats savent négocier dans les entreprises pour faire évoluer les relations de travail. En un an, la CGT a d'ailleurs signé 84% des 34 500 accords négociés dans les entreprises françaises.Lire aussi: Manifestations: pourquoi toutes ces dérives?
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